Lalla et le territoire cheyenne
septembre 29, 2009 § 1 commentaire
Deux jours passés avec Angèle Paoli à parler de soi, de la poésie, de la vie, à arpenter les rues dans la douceur de cet automne qui se la joue été-qui-n’en-finit-pas. C’était la première fois que nous nous rencontrions dans la « vraie vie » après avoir eu de longs échanges sur internet, avec nos blogs respectifs ( le sien = TERRES DE FEMMES). Nous avons élaboré un projet dont je reparlerai bientôt ici. Elle m’a offert son livre Lalla ou le chant des sables.
Elle était partie de là-bas, du fin fond des terres calcinées de la montagne, en amont du désert d’Anabar.
C’est le récit-poème qui raconte comment une femme, Lalla, quitte ce qui lui est familier, une maison…
Elle s’était déplacée, nus pieds sur les tomettes rouges vernissées…. Elle avait jeté un dernier regard sur le patio orné d’azulejos, et sur la glycine qui courait le long des balcons en terrasse.
…pour rejoindre le désert, non pour fuir l’humain mais en quête d’un absolu.
Le désir de désert avait repris la jeune femme, elle sentait en elle une ardeur inconnue qui la poussait au-delà, toujours plus au-delà d’elle-même et de ses propres forces.
Avec une écriture rythmée par la marche, Angèle Paoli inscrit nos pas de lecteurs dans ceux de Lalla jusqu’
À l’aube,(où) le souffle déjà chaud du simoun l’emporta dans son chant.
Ce très bel ouvrage avec en couverture une photo de Guidù Antonietti di Cinarca a été tiré à quatre-vingt exemplaires numérotés et signés (par l’auteur). On peut se le procurer à l’adresse suivante : Terres de Femmes, 20217 Canari. au prix de 20 € +2,50 € de frais de port.
Aujourd’hui, nos pas nous ont entraînées, naturellement vers une librairie. On cherche, on trouve parfois, pas toujours de que l’on cherchait. C’est ainsi que je suis tombée sur En territoire cheyenne d’Éric Chevillard , illustré par Philippe Favier, chez Fata Morgana. Que c’est agréable de faire des découvertes pareilles, alors qu’on ne s’y attend pas. Depuis presque six mois, ce livre d’Éric Chevillard existait et je ne le savais pas. D’où l’utilité d’aller dans les librairies. Internet, c’est bien mais pas très surprenant, il est difficile d’y circuler entre les rayons, d’y fouiller, de feuilleter de poser ou emporter. Sur internet on sait ce qu’on veut à l’avance, on clique, et c’est finit.
Ce livre commence ainsi …
Je ne commettrai pas l’erreur de Rimbaud et de tant d’autres dont la trace si souvent se perd : je ne marche plus que sur du ciment frais.
Je n’en dirai pas plus car il faut prendre le temps de découper les page, de prolonger ce plaisir.
Une amie me disait qu’elle s’amusait à faire rapidement tous les soirs un bilan de sa journée, juste pour sentir qu’elle avait avancé. Ce soir, si je m’amuse à ce jeu je peux dire : deux livres, deux beaux objets, deux textes dont un encore à découvrir… Parfois il ne faut pas plus pour voir le monde en bleu.
Chronique d’une fin d’été annoncée (3)
septembre 22, 2009 § 7 Commentaires
La fin de l’été n’en finit pas de s’étirer au Pays Doré, même si aujourd’hui, l’automne est officiellement annoncé. Entre temps, il a un peu plu et quand je chantais « Petit champignon deviendra grand pourvu qu’un petit peu d’eau lui prête vie » j’avais raison car Mister Climat a exhaussé mon souhait. Hier, juste à titre de repérage, je suis allée faire un tour dans la forêt, et en moins d’une demi-heure et aux alentours de la voiture, c’est à dire sans me fatiguer voici ce que j’ai trouvé
(. Pas très sportif tout ça, mais délicieux quand même !
La chasse aux champignons n’occupant qu’une infime partie de mon temps, j’ai emporté quelques livres avec moi et notamment, un des plus cités dans ce qu’il est commun d’appeler la rentrée littéraire : Jan Karski de Yannick Haenel. À mi-chemin entre l’essai et le roman (il est d’ailleurs sélectionnés pour divers prix dans les deux catégories), ce livre est particulièrement bouleversant. En résumé des résumés, Jan Karski, le héros de ce livre, a réellement existé, et eut la mission en tant que résistant polonais d’alerter les Alliés sur ce qui était en train de se produire en Europe, comment les Juifs étaient en train d’être exterminés. On le sait, son témoignage, dans les plus hautes sphères des gouvernements Britanniques et Américains resta lettre morte. Il parle ainsi de sa rencontre avec Roosevelt :
Il y avait beaucoup de gens qui assistaient à la scène, des militaires assis dans les canapés autour d’une table basse ornée d’une soupière blanche…
Au fond, Franklin Delano Roosevelt s’exprimait en bâillant. Je l’entends encore me dire la bouche de travers : « Je comprends. » Ce qu’il réprimait en parlant, ce n’était peut-être pas un bâillement, mais la parole elle-même. Car précisément, il ne voulait pas comprendre. Plus il disait « Je comprends », plus il exprimait la parole inverse.
J’ignorais à l’époque que le meilleur moyen de faire taire quelqu’un consiste à le laisser parler.
J’avais affronté la violence nazie, j’avais subi la violence des Soviétiques, et voici que de manière inattendue, je faisais connaissance avec l’insidieuse violence américaine. Une violence moelleuse, faite de canapés, de soupières de bâillements.
En sortant, ce soir-là de la Maison-Blanche, j’ai pensé qu’à partir de maintenant c’était ce canapé qui allait régner sur ce monde, et qu’à la violence du totalitarisme allait se substituer cette violence-là, une violence diffuse, civilisée, une violence si propre qu’en toutes circonstances le beau nom de démocratie saurait la maquiller.
Ici, on fait du « chiffre » avec les expulsions des sans-papiers, on « nettoie » la Jungle près de Calais… Serait-ce ça la « violence du canapé » ?
On ferme des usines, on met au chômage des milliers de personnes et la bourse se refait une santé… Serait-ce ça la « violence du canapé » ?
On va célébrer la chute du mur de Berlin dans un peu plus d’un mois. Qui osera dire que la brèche qui s’est ouverte n’a servi qu’à laisser la place à la « violence du canapé » si bien décrite dans le livre de Yannick Haenel ? Une violence pour une autre, est-ce ainsi que le monde doit exister ?
Le jeu « Longtemps je me suis couché de bonne heure »
septembre 19, 2009 § 2 Commentaires
Il m’arrive souvent sur ce blog de citer l’Autofictif d’Éric Chevillard. Quand on aime on ne compte pas et ce matin, l’occasion est trop belle pour ne pas le faire. Lui s’amuse aussi au jeu « Longtemps je me suis couché de bonne heure » à sa façon.
Longtemps, je me suis couché de bonne heure sous de vastes portiques que les soleils marins teignaient de mille feux. (A la Recherche de la vie antérieure © Eric Chevillard – tous droits réservés)
Un péage, la nuit.
septembre 18, 2009 § Poster un commentaire
Parfois, les hasards de la vie font qu’on est amené à passer un certain temps près d’un péage d’autoroute, la nuit. Quand certains élaborent une liste des choses jamais faites et
qui sous-entend en fait choses à faire un jour par curiosité ou, ce qui est plus risqué, par plaisir.
Il est une de ces choses que je n’aurais jamais inscrite sur ce genre de liste : passer quelques heures au péage d’une autoroute, la nuit. Pourtant, dans la vie, certaines choses jamais faites nous finissons par les faire ni par curiosité, ni par plaisir mais parce qu’elles arrivent comme ça, sans prévenir. Alors, il faut négocier ces instants, en les transformant en une expérience nouvelle, se donner un objectif, ne pas tourner en rond…
Qui dit objectif dit, pourquoi pas, appareil photo. Je l’ai toujours avec moi. J’arpente l’endroit désert. Des rideaux obturent les vitres de camions stationnés là. Pas de signe de vie. Je marche sur les terres-pleins, l’herbe desséchée de la fin d’été craque sous mes semelles. Derrière un taillis, un rond-point et un moulin à vent… J’ai pensé à une oeuvre de Claude Lévêque. Je dois confirmer, pour ceux qui auraient rêvé à un Don Quichotte du XXIème siècle, qu’aucun n’a fait irruption dans cette nuit glauque à un péage d’autoroute. L’endroit resta vide.
Chronique d’une fin d’été annoncée (2)
septembre 12, 2009 § 3 Commentaires
À propos de la fin de l’été, je ne peux m’empêcher de présenter les fameuses colchiques.
C’était juste pour vous mettre la chanson dans la tête ! C’est obsédant !
Chronique d’une fin d’été annoncée. (1)
septembre 10, 2009 § Poster un commentaire
Dès mon arrivée au Pays Doré, je suis allée aux champignons.
Pas si rares que ça mais rachitiques, assoiffés… Pas de quoi se faire une poêlée. Pourtant ce sont de véritables mines que j’ai trouvées dans la forêt.
« Petit champignon deviendra grand pourvu qu’un peu d’eau lui prête vie. »
J’ai misé sur la rosée… mais ça n’a rien donné.
Un aviateur amoureux, du moins c’est ce que j’imagine, a écrit l’initiale du nom de sa belle dans le ciel. Est-ce un « a » ? D’où j’étais placée, c’est ce que j’ai pu penser. À la ronde, cependant, pas l’ombre d’une Amélie ou Antoinette. Alors, je me suis dit que c’était peut-être un « l » vu de l’autre côté, et qu’une Lucie ou une Laure, sur la colline en face observait peut-être le ciel, complètement éberluée par la prouesse de son aviateur. Il a voulu ainsi crier au monde entier, par son pot d’échappement, son amour pour sa jolie paysanne. Chacun s’exprime comme il peut. Je dois ajouter qu’au Pays Doré, le monde entier se résume à pas grand monde.
Au Pays Doré, l’été se prolonge et, moi, je prolonge l’été.